08/03/2020

Fugitive parce que reine - Violaine Huisman


RESUME


"Maman était une force de la nature et elle avait une patience très limitée pour les jérémiades de gamines douillettes. Nos plaies, elle les désinfectait à l'alcool à 90°, le Mercurochrome apparemment était pour les enfants gâtés. Et puis il y avait l'éther, dans ce flacon d'un bleu céruléen comme la sphère vespérale. Cette couleur était la sienne, cette profondeur du bleu sombre où se perd le coup de poing lancé contre Dieu." 
Ce premier roman raconte l'amour inconditionnel liant une mère à ses filles, malgré ses fêlures et sa défaillance. Mais l'écriture poétique et sulfureuse de Violaine Huisman porte aussi la voix déchirante d'une femme, une femme avant tout, qui n'a jamais cessé d'affirmer son droit à une vie rêvée, à la liberté.

CRITIQUE


Dans ce roman à la fois autobiographique et biographique, Violaine Huisman raconte sa mère, Catherine Cremnitz, une étoile tourmentée, une reine brisée. 
Le livre est scindé en trois parties. Dans la première, l'écrivaine raconte son enfance dominée par l'ambivalence de cette mère. Il y a d'un côté, une grossièreté, une vulgarité, une vie débridée avec des accès de violence inouïs. De l'autre, il y a une tendresse, un amour inconditionnel et un acharnement à l'érection d'une mère modèle. Dans la deuxième partie, Violaine Huisman revient sur la vie de sa mère avant sa naissance et celle de sa soeur à la recherche des racines de la violence, de l'étiologie des fêlures. Enfin, dans la dernière partie de l'ouvrage nous est contée la chute de cette femme telle l'extinction de la lumière d'un astre céleste. Violaine Huisman fait ses adieux à cette mère omniprésente qui s'est finalement enfuie. 
Le tout est porté par une écriture singulière : les dialogues sont perdus dans la prose comme si l'écrivaine nous livrait le flot de ses pensées à l'état brut. Ses mots parfois crus, parfois poétiques, sont comme les différentes facettes de cette femme maniaco-dépressive et de cet amour dévorant qui la lie à ses deux filles. Violaine Huisman nous emporte dans le tourbillon effrené et chaotique qu'a été son enfance et la vie de sa mère et ne nous épargne rien des rêves brisés, des faiblesses, des souffrances et de la folie. Mais elle nous parle aussi de la force, de la résilience, du courage et de l'amour. 
Ce livre est un hommage déchirant à une mère adorée malgré ses déficiences. Un portrait poignant d'une femme qui a brûlé sa vie par les deux bouts. Un ouvrage qui dérange, bouleverse et fait réfléchir sur la figure de la mère, sur l'amour maternel et plus largement sur la femme. Car la vie d'excès de Catherine Cremnitz ne peut pas être résumée à son trouble bipolaire. C'est la vie d'une femme issue d'une classe sociale modeste et propulsée aux hautes sphères de la société si vite qu'elle n'a pas le temps de s'adapter. C'est la vie d'une femme qui a souffert d'un manque affectif lors de son enfance et qui s'est ainsi retrouvée à l'âge adulte dominée par un désir maladif d'être aimée. Une femme dont le rapport aux hommes est toujours empreint de violence, de trahison et de dépendance. Une femme qui survit grâce à cet amour inconditionnel qu'est l'amour maternel. 
Une histoire troublante et profondément émouvante. 

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